Le lait
Le lait
Tout d’abord, de son nez délicat il le flaire.
Le frôle ; puis, à coups de langue très petits,
II le lampe, et dès lors il est à son affaire ;
Et l’on entend, pendant qu’il boit un clapotis.
Et ne relève enfin son joli museau plat
Que lorsqu’il a passé sa langue rêche et rosé
Partout, bien proprement débarbouillé le plat.
Alors, il se pourlèche un moment les moustaches
Avec l’air étonné d’avoir déjà fini ;
Et, comme il s’aperçoit qu’il s’est fait quelques taches,
II relustre avec soin son pelage terni.
Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates ;
II les ferme à demi, parfois, en reniflant, Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.
Edmond Rostand