Eloge du chat

Stéphanie Hochet est née en 1975 .Elle est l’auteur de neuf romans, dont Combat de l’amour et de la faim (Fayard, Prix Lilas 2009), La Distribution des lumières (Flammarion, Prix Thyde Monnier de la SGDL 2010)  et Sang d’encre (Editions des Busclats, 2013). 

Éloge du chat est son premier essai.

 Résumé :

 «Je voudrais vous parler d’un personnage omniprésent dans la littérature. Un personnage discret et remarquable,connu de tous et mystérieux ; arriviste peut-être, il sait aussi séduire et fasciner. Le chat est ce personnage aux formes multiples,  infiniment flexible. Comment se douter qu’un être si petit, si familier, avait investi les listes des dramatis personae ?

Son animalité, les masques variés avec lesquels il se déplace dans les oeuvres ne le rendent pas moins prépondérant dans les romans que dans la poésie ou le cinéma. Prépondérant, mais si délicat à cerner qu’il me fallait en faire un livre.

Je n’étais pas au bout de mes découvertes. Se pouvait-il, pour paraphraser Rilke,  que je prétendisse connaître les chats avant d’avoir écrit sur eux ?»

 

Extrait

Avant-propos

Tout le monde le sait : le chat est un animal libre, le chat choisit son maître avant que le maître n’arrête son choix sur le chat, le chat ne vous caresse pas vraiment, il se caresse en se frottant à vos jambes, et puis le chat vous regarde de haut, il vous toise. Alors que le chien vous regarde avec adoration, le chat vous observe avec un détachement supérieur – d’ailleurs, il aura pris soin de se poster en hauteur, sur une table, une armoire, pour vous dominer, naturellement – et puis le chat est hypocrite, nombre de contes le dépeignent en train de dissimuler ses intentions, presque toujours mauvaises, sinon cruelles. La cruauté va si bien à ce redoutable prédateur qui rappelle parfois que fauve il fut, félin il demeure quand il chasse pour le plaisir oiseaux ou souris. Pourtant, nous en sommes fous. Nous l’accueillons chez nous, nous dépensons pour son bien-être et trouvons qu’il nous le rend bien. Le chat est irrésistible, il connaît l’art et la manière de se faire aimer. Le félin apprivoisé serait-il ce que Lacan appelle un «animal en mal d’homme» quand il parle des animaux domestiques ? Le chat ne semble pas totalement correspondre à ce terme même s’il s’est installé dans nos maisons, nos appartements, et qu’il fait partie de notre vie.
Nous pourrions nous interroger sur notre propre comportement ; pourquoi servir, idolâtrer cet animal insaisissable ? Nous sommes étrangement attirés par cette créature à la fourrure soyeuse, aux griffes aiguisées capables de nous lacérer et qui nous inflige par jeu ou intention des blessures brûlantes. Rappelons-nous que le chat a été aussi détesté dans le monde. Nombre de ces animaux agiles furent immolés au nom des dangers qu’ils faisaient courir aux humains, à cause de leur bizarrerie ou de leur prétendue appartenance aux puissances des ténèbres. Il y a une peur et un mystère. Le mystère chat que nous ne parvenons pas à saisir. Il semblerait que nous nous reconnaissons en lui. On retrouve en effet beaucoup de caractéristiques humaines chez le chat. Se peut-il que nous ayons attribué certains de nos défauts et qualités à l’animal aux griffes rétractiles ? La littérature a beaucoup parlé du chat, le décrivant comme un mandarin gras et cruel, comme une femme amoureuse, comme un être rebelle ou un représentant du pouvoir… Cet animal a inspiré l’homme dans ses représentations les plus importantes, qu’il s’agisse de la liberté, du pouvoir, de la féminité ou de la divinité. Il fut honni de la communauté humaine après avoir été divinisé. Le félin incarne les excès. Il les incarne avec aisance. Et ceci grâce à une qualité qu’on ne pourra pas lui enlever : la flexibilité. Si le chat est devenu un animal si présent dans l’univers de l’homme, c’est qu’il a assimilé que la force primaire n’était pas la solution, y compris quand il s’agit de régner. Quelles que soient les situations qu’il rencontre, le félin a recours à la souplesse, aux solutions flexibles.

Le chat a ceci de commun avec Shakespeare que tout, absolument tout, a été écrit sur lui, y compris qu’il n’existait pas.

À nous de prouver qu’il existe. Et s’il a tant inspiré les plumes, c’est qu’à l’instar de Shakespeare,  il est l’un des plus puissants miroirs de l’humanité qui fut.
Approchons donc le miroir du chat pour voir si le reflet renvoie l’image de l’homme ou peut-être l’autre part de la psyché humaine, l’inconscient que chacun promènerait comme son ombre – après tout, qu’est-ce qui ressemble autant à une ombre qu’un chat ?

 

 « Quelque chose chez le chat fait de lui un être naturellement dominant. »

Ecrire : selon  Stéphanie Hochet

http://dai.ly/xuf9qb

 

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